jeudi 19 avril 2012

19 avril 1943: le ghetto de Varsovie se soulève contre les nazis


 
Résistants et Résistantes Juives arrêtés après l'insurrection du Ghetto de Varsovie.

« My nie chcemy ratować życia. Żaden z nas żywy z tego nie wyjdzie. My chcemy ratować ludzką godność » (Nous ne voulons pas sauver notre vie. Personne ne sortira vivant d'ici. Nous voulons sauver la dignité humaine) - Arie Wilner (pseudo Jurek), soldat de la ŻOB.
 

 Extrait du témoignage de Paula Borenstein sur le ghetto de Vilno.


Dans le ghetto, une résistance s’organise.D’abord le FBO, les partisans unifiés, toutes les tendances politiques, les sionistes, les communistes, les bundistes, tout le monde a essayé de lutter ensemble. Notre résistance, c’était une école, un jardin d’enfants, une chorale (j’étais dans une chorale, nous étions une vingtaine au début, jusqu’au jour où je me suis trouvée toute seule avec notre professeur). Il y avait un théâtre, un orchestre. Nous avons essayé de lutter, de vivre, de survivre. Je n’ai jamais su et j’ai demandé après, aux jeunes filles de 14,15 ans, de 16 ans qu’est-ce que vous avez ressenti dans un monde normal quand vous avez eu cet âge, quel était votre rêve, à quoi vous avez pensé. Moi, j’ai pensé à manger, j’avais faim. Avoir faim, c’est horrible. J’ai rêvé quand on me demandait : "qu’est-ce que tu va faire si tu survis à la guerre ? " mon rêve était : je voudrais travailler dans une boulangerie et avoir cette odeur de pain frais dans les narines.


Le ghetto de Wilno, sert de prélude à trois camps de concentration auxquels j’ai survécu, la seule de toute ma famille. En premier, mon frère a été pris, en deuxième ma soeur avec son enfant. Jusqu’à la liquidation du ghetto, nous étions dans une toute petite chambre, avec un seul lit qu’on a donné à la mère (qui est devenue blanche, qui a perdu ses dents). Elle n’a pas travaillé. Mon père et moi travaillions. Comme je l’ai dit, en travaillant, en faisant le ménage, en faisant la cuisine, je volais. On a appris à voler, on a appris à haïr, on a appris à ne pas être objectif et cela, c’est la tragédie de ce que la guerre a fait de nous. J’ai volé des pommes de terre pour nourrir ma mère qui ne travaillant pas, n’avait pas droit au certificat jaune (le gelbe Arbeitsscheine) qui vous donnait le droit de manger. J’ai donc volé des pommes de terre et à la porte du ghetto, la police lituanienne, le SS et à l’intérieur du ghetto, la police juive, nous contrôlaient et nous enlevaient cette pomme de terre ou cette carotte ou ce qu’on a pu voler pour nourrir la mère qui n’avait pas le droit de vivre.


Dans le ghetto, le ravitaillement était seulement pour 12.000 personnes et celles qui étaient en plus, attendaient, les yeux affamés, que ceux qui travaillaient à l’extérieur et qui n’étaient pas contrôlés, puissent leur apporter quelque chose.


Le 23 septembre 1943, c’est la Liquidation du Ghetto, la sélection, le transfert. Je suis restée avec ma mère et mon père et on nous a amené à la Gestapo. Tous ceux qui furent conduits hors du ghetto passèrent la sélection. Ma mère était dans la colonne de gauche, moi dans celle droite, mon père fut mis à part.


Nous étions obligés par les Allemands de regarder comment trois personnes furent pendues. Ce sadisme était épouvantable. Parmi ces trois personnes, une était à l’école avec moi et elle a crié "Les enfants ! ceux de vous qui resteront en vie, racontez au monde ce qu’on a fait de nous et pourquoi, pourquoi, quel crime nous avons commis, nous sommes seulement nés juifs" et nés dans des endroits où l’on n’a pas voulu de nous.


Je vais seulement finir avec le fait que je ne veux jamais oublier. Il manque une génération entière d’enfants de 0 à 7, 8, 9 ans : ils étaient petits et incapables de travailler, ils ont été tués. Si vous connaissez des survivants de la Shoah, vous trouverez rarement des gens qui sont plus jeunes que nous et la vision cette génération me suit et me suivra jusqu’à la fin de mes jours.


Pessah, Pâque chez les juifs, est l’occasion d’un repas appellé le seder où l’on mange du pain azyme. La dernière Pâque dans le ghetto et dans ce trou du ghetto, où mon père, ma mère et moi sommes restés, il y avait une pomme de terre sur la table. Pour la Pâque, pour ce repas, le juif le plus jeune pose quatre questions. Pourquoi cette nuit est différente des nuits de tous les jours de l’année ? Mon père Haïm m’a dit : " Pessah. Mon enfant, à la maison, chez nous, c’est toi la plus jeune qui a posé les quatre questions pour Pâque, aujourd’hui, mets une cinquième question. Pourquoi ? Pourquoi ? " et c’est pourquoi cette question accompagne toute ma vie, et avec " c’est pourquoi ? ", je finirai mes jours, car notre génération est à la fin de la route.


En voyant les jeunes dans la salle, votre génération est si importante pour nous, vous remplacez les enfants qui vont toujours nous manquer.


J’ai fait une promesse à Assia quand on l’a pendue : si moi, je survis, je vais me dévouer toute ma vie, aux êtres humains. Je l’ai fait grâce au fait que je travaille pour une organisation humanitaire depuis cinquante ans, c’est elle qui m’a aidée quand je suis arrivée à Paris, par hasard.


Je vous aime tous parce que vous voulez savoir, et vous voulez faire quelque chose. On vous aime et on vous demande : n’oubliez jamais. Luttez autant qu’il faut. On a parlé de Le Pen, Le Pen qui a dit que ce n’est rien. Mon père, ma mère, mon frère, ma soeur, leurs enfants, ce n’est rien.

Merci de nous avoir écouté, merci de continuer à vous intéresser, merci d’apprendre à vos jeunes, vos élèves, tout ce par où le monde est passé.

L'intégralité du témoignage de Paula et d'autres voix , ici

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